La tendance des NFT

Un regard sur le monde de l’art numérique

Le crypto-art connaît actuellement un certain engouement. Mais que sont véritablement les NFT (Non-Fungible-Token)? Nous avons posé la question à une experte en art numérique.

NFT: digitale Kunst

En mars 2021, l’œuvre «Everdays: the First 5000 Days» de Beeple (40 ans) s’est vendue pour 69 millions de dollars chez Christie’s. L’étonnement fut grand: comment une œuvre d’art purement numérique a-t-elle pu atteindre un prix de vente aussi faramineux? Le graphiste et artiste numérique américain, de son vrai nom Mike Winkelmann, a ainsi rejoint Jeff Koons (66 ans), David Hockney (84 ans) et Jasper Johns (91 ans) dans le top 4 des artistes vivants les plus chers.

Les NFT se négocient aujourd’hui en millions. Au cours des derniers mois, marqués par la pandémie, ce marché de niche a connu un véritable engouement sur internet: des images se sont échangées contre des cryptomonnaies. Pour beaucoup, une vision futuriste et moderne de l’art. Alors, est-ce à cela que ressemblera le marché de l’art du futur? «Actuellement, nous nous trouvons certainement encore dans une grande hype qui a conduit à ces prix incroyables. À mon avis, la situation va sûrement évoluer et se relativiser», prévient Sabine Himmelsbach (55 ans), directrice de la Maison des Arts Électroniques (HEK) à Bâle. Même si la somme versée pour l’œuvre de Beeple est sans doute un peu élevée, Sabine Himmelsbach se réjouit de voir que les pionniers de l’art numérique bénéficient désormais d’une certaine valorisation.

Avis à tous ceux pour qui NFT ne veut à priori rien dire! Sabine Himmelsbach apporte quelques éclaircissements: «C’est l’abréviation de Non-Fungible-Token. Il s’agit d’un actif numérique non interchangeable (non-fungible) qui prouve l’unicité et l’authenticité des fichiers qui lui sont associés». Il ne s’agit pas forcément d’une œuvre d’art, cela peut tout aussi bien être une photo, un texte ou une vidéo.

Sa non-interchangeabilité le distingue d’autres actifs, comme la cryptomonnaie bitcoin qui, elle, est interchangeable car tous les bitcoins sont identiques. «Pour les NFT, on utilise la technologie de la blockchain pour proposer des œuvres numériques comme pièces uniques. Les œuvres d’art numériques deviennent ainsi des biens virtuels à négocier de manière autonome, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent».

L’explication de la notion de crypto-art implique l’utilisation de termes complexes. Par exemple, celui de blockchain dont on entend souvent parler. On peut se représenter une blockchain comme une chaîne de données extensible, un peu comme des disques durs géants. Sabine Himmelsbach: «Il s’agit d’une base de données publique décentralisée qui fonctionne comme une technologie de transmission, une plateforme de paiement et un outil d’authentification». Au final, on achète un certificat d’authenticité, la preuve de possession d’un fichier numérique. Dans l’univers numérique, il n’y a pas d’original à proprement parler puisque les fichiers numériques peuvent être copiés. «En possédant le NFT d’une œuvre, l’acheteur est clairement identifié comme propriétaire», déclare la directrice de la HEK.

L’art continue de séduire et d’attirer beaucoup de monde, il offre donc les conditions idéales pour les cryptomarchés. L’art est et reste un investissement très apprécié, notamment des jeunes, qui espèrent tirer un bénéfice de la revente d’œuvres d’art.

Dans le monde du numérique, les œuvres d’artistes sont payées avec la crypto-monnaie Ethereum. Pour acheter de l’art sur internet, il faut donc d’abord acheter de la cryptomonnaie. Les prix des œuvres d’art NFT sont donc influencés par les cours des cryptomonnaies.

Mais les raisons qui expliquent l’engouement suscité par le crypto-art sont ailleurs, selon Sabine Himmelsbach: «La fierté d’être propriétaire d’une œuvre numérique dont on peut se vanter auprès de ses amis joue par exemple certainement un rôle. Je pense que la motivation est aussi de mettre en valeur la culture numérique et son histoire. Cette culture numérique permet à de nombreux collectionneurs de la scène cryptographique de se sentir proches de ces œuvres. Ce sont des souvenirs et des œuvres importantes d’une culture avec laquelle nous avons grandi et qui nous a finalement aussi marqués».

Comme dans le monde réel, les grands noms dans l’univers du crypto-art sont souvent des hommes. Mais Sabine Himmelsbach l’assure: «L’art numérique compte également de nombreuses femmes artistes, certainement en raison de la facilité d’accès à la technologie et de l’ouverture du média». Elle cite en exemple Addie Wagenknecht (40 ans), qui a suivi des études d’informatique avant de se lancer dans une carrière artistique. «Son art traite de l’influence des technologies sur la société et il était donc logique qu’elle fasse la part belle aux arts numériques».

Il n’est pas toujours facile pour un ou une artiste de se lancer dans le monde du numérique. Sabine Himmelsbach donne le conseil suivant: «Il faut toujours rester authentique et s’intéresser aux idées et aux thèmes qui nous touchent personnellement».

Pour les artistes, le monde numérique offre des avantages. Les NFT leur permettent d’accéder au marché de l’art, puisqu’ils peuvent les vendre eux-mêmes directement sur des plateformes en ligne. Selon l’experte en art médiatique et en culture numérique: «Cela signifie qu’ils sont indépendants des galeries et peuvent gérer eux-mêmes leurs ventes. Il n’y a donc plus de "gardiens du marché" au sens classique du terme.»

Cette nouvelle niche présente surtout un avantage pour les artistes: plus de liberté! À l’avenir, ils n’auront plus à verser de commissions aux galeristes, n’auront plus à répondre à leurs exigences ni à leur plaire. L’authenticité reprend le dessus.

Il reste un petit inconvénient: les artistes ont un rôle direct à jouer et ils doivent promouvoir activement leurs œuvres, car en fin de compte, selon Sabine Himmelsbach, c’est la notoriété ou le réseau qui décide du montant de la vente.

On se rend vite compte, en jetant un coup d’œil dans le monde de la cryptographie, que les NFT sont un sujet très complexe. Il n’est pas encore possible de prendre la mesure de leurs effets. «Comme je l’ai dit précédemment, je pense que le niveau des prix va encore se relativiser. Pour ce qui est de la blockchain, c’est une technologie-clé qui a vu le jour et qui promet plus de décentralisation, d’autodétermination et de transparence» déclare Sabine Himmelsbach, portant un regard sur l’avenir. Selon elle, l’économie des jetons (tokens) basée sur la blockchain perdurera et de nouvelles applications apparaîtront.

Pour ce qui est du crypto-art, il a encore une bonne marge de progression et d’amélioration. «J’ai l’impression qu’en matière de NFT, on s’intéresse moins à la qualité d’une œuvre qu’aux sommes record qui sont en train d’être atteintes». La directrice de la HEK en est convaincue. Malheureusement, cela empêche souvent de porter un regard, pourtant indispensable, sur la composition, le contenu et l’esthétique.

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